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La Légende ... Vivante
Ce texte a été écrit à l'occasion de la session d'EklaBugs d'Avril 2016, sur le thème Légendes. Bien qu'il puisse paraître hors sujet au premier abord, j'ai pris un réel plaisir à l'écrire, car le seul mot légende en a motivé l'envie.
Ce texte n'étant pas le principal pour la session Légendes, il se retrouve classé dans le rab d'EklaBugs. Ce qui était d'ailleurs mon but.Bonne lecture !
Beaucoup blâme mon père pour s’être fait passer pour mort pendant plusieurs années. Je n’étais qu’une petite fille lorsque ceci s’est produit. Aujourd’hui, je comprends enfin la signification de son geste. Il l’avait fait pour nous, sa famille.
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Je n’ai jamais connu mon père. Enfin, jusqu’à aujourd’hui. J’ai toujours vécu avec ma mère. Tous les soirs, avant de m’endormir, elle me racontait qu’elle avait passé les meilleurs instants de sa vie avec mon père, même si ce fût très bref. Elle me racontait encore et toujours cette histoire, celle où elle rencontrait mon père au milieu d’une foule de gens, et où ils vécurent heureux jusqu’à ce que le devoir rappelle mon père sur le front de guerre, là où il disparut sans aucun indice. Et elle me racontait cette histoire tous les soirs, peu importe l’âge que j’avais. Et elle ne me raconta plus cette histoire le jour où elle disparut de ma vie. J’avais cinq ans lorsque la maladie emporta ma mère avec elle. Et depuis ce jour, j’erre de famille d’accueil en famille d’accueil. Je fugue souvent, toujours pour retourner chez moi. Et c’est comme ça que j’ai découvert que j’avais encore de la famille.
Un jour, je fouillais dans les affaires de ma mère. J’étais alors tombée sur une photographie d’elle avec mon père, un petit bout de chou dans les bras. Je regardais la date de la photographie. Elle datait d’avant ma naissance. Cela signifiait que j’avais un frère ou une sœur qui pourrait peut-être s’occuper de moi. La seule chose que j’avais, c’était cette vieille photographie. Mon seul indice vers ma famille. Un autre jour, j’étais tombée sur un collier magnifique. Et la chance était cette fois-ci de mon côté : le collier était signé par son fabriquant. Fabriquant qui exerçait encore. Je décidais d’aller le voir. C’est alors que je le rencontrai.
Un jeune homme, à peine plus âgé que moi. Et qui me ressemblait légèrement. À ce moment-là, je ne savais pas que je venais de croiser mon grand frère, enfin mon grand demi-frère, le petit bout de chou sur la photographie de ma mère. Il détala de la boutique sans demander son reste. Et le vendeur se mit à lui courir après, criant au voleur. Je me mis à rire de la scène. J’étais encore inconsciente du danger qui trônait au-dessus de ma tête. Un autre vendeur vint me voir, me demandant ce que je voulais. Je lui montrai le collier, lui demandant s’il savait qui l’avait acheté. Il me dit qu’il n’avait pas son nom, mais il me désigna l’homme de la vieille photographie de ma mère, qui dépassait de ma poche. Je le remerciai pour les informations, mais il m’attrapa par l’épaule d’une main ferme. Il ne voulait pas que je sorte de la boutique. Enfin pas vivante. Il m’entraina de force derrière la boutique. Il y avait tellement de bruit dans la rue que personne n’entendait mes cris d’appel à l’aide. Personne, sauf un caïd qui passait par là. Ce caïd n’était personne d’autre que le jeune homme qui avait volé dans la boutique au moment où j’y rentrai. Il assomma mon agresseur, et me tendit la main, m’invitant à le suivre. Ce que je fis. Nous n’échangeâmes aucun mot pendant les quelques minutes passées ensemble. Il me laissa devant une vieille maison abandonnée. Ma curiosité me poussa à aller dans cette maison.
Ce que je découvris dans cette maison fit grandement avancer mes recherches. Il y avait dans cette maison très peu d’objets, mais ces objets avaient une signification pour moi. Il n’y avait que deux tableaux. Deux portraits. Un de ma mère avec un petit garçon, qui ressemblait trait pour trait à mon sauveur et un peu à ma mère, et un autre portrait. Celui d’un homme avec un garçon qui lui ressemblait trait pour trait. Le portrait de mon père. Je découvris que j’avais deux demi-frères plus âgés que moi, et surtout le nom de famille de mon père. Je filai en toute hâte chez moi, pris quelques affaires, et partis vers la ville voisine, là où j’avais déjà entendu ce nom.
En y repensant, c’est à mon arrivée dans cette ville que j’ai entendu pour la première fois LA légende. À cette époque, toutes les pièces du puzzle de ma famille n’étaient pas toutes imbriquées les unes dans les autres, mais cette légende m’intéressa au plus haut point. Un homme, un chef d’escouade, avait disparu sans laisser de traces du front. Et l’homme qui avait disparu n’était pas n’importe quel chef d’escouade. C’était celui de l’escouade qui renversa le cours de la guerre en notre faveur. Cela faisait de lui un homme devenu héros. Je pense toujours que ce n’était pas son but, de disparaître en héros. Je me rendis donc vers un bureau d’information. Je voulais en savoir plus sur cette fameuse légende.
Cette légende, aujourd’hui encore, elle existe. Mais je la bénis pour m’avoir mise sur le chemin de ma famille. On m’apprit au bureau d’information, que le héros laissait derrière lui une femme et un fils. On me donna le nom de famille de cette famille déchirée par la perte d’un membre de leur famille. Deux morceaux du puzzle se mirent en place. C’était le même que celui du tableau de mon père. Je devais aller les voir. Sauf que je ne savais pas quoi leur dire. Je sonnai à leur maison, et une dame, qui me semblait très fatiguée, m’ouvrit la porte. Elle me détailla du regard, et fit une grimace de dégoût. À mon avis, je devais lui rappeler un évènement qu’elle aurait préféré oublier. Elle m’invita tout de même à entrer, et je fus nez à nez avec le garçon du portrait. Sa mère me prit par les épaules et me dirigea vers le salon. Elle invita tout de même son fils à s’installer avec nous. Elle me demanda ce que je voulais. C’est là que je me mis à raconter ma recherche de vérité. Tout du long de l’entretien, je ne cessais de la fixer, et de remarquer toutes les grimaces de dégoût qui passaient sur son visage. Son fils avait, quant à lui, des réactions contraires. Il semblait irradier de joie rien qu’à ma présence. Il devait savoir quelque chose.
L’entretien se termina aussi sèchement qu’il avait commencé : brutalement. Elle m’invita cordialement à sortir de chez elle. Elle ne se donna même pas la peine de me raccompagner jusque la porte. Je la dégoûtais, et je ne savais même pas pourquoi. Son fils, quant à lui, me raccompagna jusqu’à la porte. Il récolterait quelques baffes pour ce geste après mon départ, je pouvais y mettre ma main à couper. Juste avant de fermer la porte, il me glissa un bout de papier dans la main. Je pris le temps de le lire bien après m’être éloignée de cette maison.
Il n’y avait qu’un seul mot griffonné à la hâte sur le papier. Sœur. Un mot, qui signifiait beaucoup pour moi. Et toutes les briques se mirent en place. Mon père, qui avait un fils, avait eu une liaison avec ma mère, qui avait, elle aussi, un fils. Je me retrouvais donc avec deux demi-frères, dont je ne connaissais rien, et toujours sans trace de la Légende.
J’ai passé ces trois dernières années à apprendre à connaître mes deux frangins. Cela m’avait d’ailleurs appris une chose : ils étaient rivaux et ne se supportaient pas du tout. Et à enquêter sur la disparition de mon père. Et cela m’avait valu pas mal de blessures, de cicatrices, et de réprimandes. Je n’avais rien trouvé de mieux que d’aller sur place, là où il avait disparu. Sauf que ce lieu était classé comme ultra dangereux. Donc je me retrouvais souvent face à l’un de mes frères, en train de me passer un énorme savon, avec toujours la même rengaine : fais gaffe ou tu vas finir par te tuer, avec tes bêtises à deux sous. Sauf qu’un jour, j’eus la chance de découvrir un indice. Un indice qui signifiait beaucoup.
J’avais trouvé un morceau d’une photographie. Et sur cette photographie, on pouvait y voir l’escouade de mon père. Je l’avais déduit grâce à l’uniforme que portait mon père. Et comme j’étais fière de ma découverte, je n’avais rien trouvé de mieux que de demander des informations à mon frère du côté de mon père. Il s’était enrôlé dans l’armée. Comme son père. Mais il me dit la même chose que tous me disaient. Que je devais arrêter de réveiller les morts. Mais je refusais de croire que mon père était mort.
Tout changea il y a un an, lorsque la guerre frappa à nouveau le pays. Les envahisseurs mettaient en défaite toutes nos troupes. Même mon frère enrôlé dans l’armée avait baissé les bras. Et mon autre frère aussi. Lui qui aimait faire son caïd, là il ne le faisait pas vraiment. Alors on était là, tous les trois, à attendre notre fin. Je surpris même mes deux frangins à se parler normalement, sans insultes à tirelarigot. C’est alors qu’il apparut. Et qu’il nous sauva tous les trois. Le grand héros de guerre. On n’en pas nos yeux. On refusait de croire que c’était la réalité. Mais il était bel et bien là, en chair et en os. Mon père, le héros disparu et laissé pour mort lors de la précédente guerre. Il ne dit que très peu de mots. Mais ils avaient été suffisants pour remonter le moral de mes deux abrutis de frères, comme j’aimais les appeler. À eux trois, ils ont repris notre ville, puis la présence de la Légende avait fini par remonter le moral des troupes, qui expulsèrent les envahisseurs de notre pays.
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Aujourd’hui, je vis en harmonie avec mes deux demi-frères, qui font un effort surhumain pour se supporter en ma présence. Et je vis aussi en harmonie avec mon père. Le héros de guerre qui fut déclaré disparu, puis mort au combat. Le héros qui sauve les gens qui s’aventurent trop près de l’endroit où il disparut. Sa légende prend fin aujourd’hui. La légende de mon père prenait fin avec la réunification de la famille.
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Commentaires
Waoh ! Très beau, bien écrit. J'ignorais cette facette de toi, tu m'épates. Bravo. Au début, j'ai cru que tu parlais de toi et puis après j'ai compris qu'il s'agissait d'une fiction. C'est tout à ton honneur. Vraiment.
Hélas non, je ne parlais pas de moi ... Quoique ... Peut être je parlais de l'un des multiples moi qui est dans ma tête, qui sait ...
Oui j'écris des fiction à mes heures perdues. Et ce depuis très longtemps (j'aurai du mal à dire depuis quand, mais je pense que sire depuis le collège n'est pas faux en soi). Donc ça ferait à peu près une dizaine d'années.
Oui, je ne suis pas que la Nyeh que tu connais, un peu folle et troll sur les bords :p