• Chapitre 1 : Une jeune fille et une ruelle sombre

    Je suis dans une ruelle plutôt sombre. Je ne devrais pas y être. Normalement. Mais il s'avère que j'y suis. Ce soir. Le seul soir où je n'aurais pas dû y être. La raison de ma présence dans cette ruelle est juste stupide. Complètement stupide. Je me suis encore faite remarquer en cours, et j'ai encore eu droit à des TIG. Travaux d’Intérêt Généraux. Encore une fois. Mais ce n'était pas de ma faute. Pour une fois. C'était la faute à mon voisin de derrière. Il n'avait trouvé rien de mieux que de tenter de regarder sous ma jupe pendant que la prof m'interrogeait. Et toute la classe a rit. Toutes les filles portent la même chose, vu que l'uniforme est obligatoire au lycée. Mais il a fallu qu'il regarde sous MA jupe quand JE suis interrogée. Je sais que j'ai une mauvaise réputation, mais tout de même, me ridiculiser en plein cours … Le résultat fut simple : j'ai stoppé ma lecture, je me suis retournée, il s'est pris une gifle magistrale qui l'a envoyé contre le mur juste à sa droite - l'avantage d'être près du mur en cours. Et il a couru chez le principal. Ce qui a provoqué un fou rire général parmi mes camarades. Quand il est revenu avec le principal, la classe a tout de suite moins rigolé. Et j'ai récolté des TIG. Avec le voyeur. Lui car ce qu'il a fait ne se fait pas, et moi pour mauvaise conduite. Même la prof, qui pourtant ne peut pas me supporter, a pris ma défense, en expliquant que je me faisait l'exemple de celles qui n'osent pas répliquer lorsque les garçons viennent les ennuyer dans les vestiaires ou pendant les pauses. La seule remarque que j'ai eu de la part du principal, c’est que si je recommençais, j'étais virée du lycée. Et que je devrais prendre exemple sur le comportement de ma sœur. Elle qui est l'élève modèle et parfaite. Alors je me suis retrouvée dans cette ruelle sombre un jour où je n'aurais pas dû y être. Juste à cause d'un voyeur de seconde zone.

    Je cours pour essayer de rentrer au plus tôt. Ma sœur a dû prévenir Papa que je rentrerai tard à cause de mes TIG. Même si Papa est sûrement déjà au courant. Il travaille au lycée. C'est même lui qui m'a donné mes TIG du jour et menacée de me renvoyer. Dur dur d'être une fille modèle quand votre père est le principal de votre établissement scolaire. C’est pourquoi je cours pour rentrer au plus tôt et parler de cette journée avec Papa. Sauf que je suis dans une ruelle sombre. Et que ce que l'on dit sur les ruelles sombres n'est pas commode. Une ruelle sombre peut vous changer un homme (ou une femme dans mon cas). Mais je n'ai pas le choix. Pour ce soir, je traverserai cette ruelle sombre.

    Je me sens épiée de toute part. Il faut dire, la nature a été généreuse avec moi. Sinon pourquoi les garçons chercheraient à me mater en permanence. Je ne suis ni grosse, ni fine. Je n'ai pas non plus une taille de guêpe. Mais je suis bien en forme. Avec tout ce qu'il faut, là où il faut. Je fais baver les garçons, et les filles m'envient. C’est justement pour ça que j'ai décidé de ne pas avoir de petit ami. Comme ça, pas d'ennuis avec des filles qui crieraient au vol de petit ami. J'ai donc la réputation d'être la fille la plus prisée, en plus d'être la rebelle du lycée. Et cela ne me dérange pas tellement, vu qu'on me laisse souvent tranquille. Qui s'y frotte, s'y pique, disent mes camarades en parlant de moi. On me compare à beaucoup de fleurs. La meilleure que j'ai entendu, c’est la métaphore de la Rose Noire. Et pourtant, c'est celle qui me décrit le mieux. Je suis une belle Rose pleine d'épines, et je suis sombre. Que ce soit de par mon comportement de fille renfermée sur elle-même ou de par mon style vestimentaire hors lycée.

    Je me mets à penser que les ruelles sombres ne sont pas si sombres que ça lorsque l'on a soi-même une part d'ombre. Je me surprends même à m’arrêter quelques instants pour regarder autour de moi. Pas parce que je me sens épiée. Juste parce que j'ai l'impression d'être dans mon élément. C'est alors que je sens quelque chose sur mon épaule gauche. Je regarde alors ce que c'est. Une main. Je sursaute illico presto et regarde l'homme qui venait de poser sa main sur mon épaule. Je peux le distinguer grâce à la lumière que la lune dégage. Il me dévisage. Et me dit de ne pas traîner ici, surtout à une heure aussi tardive. Et s'en va. Même dans des coins pareils on peut trouver des personnes aimables. Je décide de me remettre en route pour la maison.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :